Résumé :
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L'histoire de la spiritualité et l'histoire de la médecine commencent à se rencontrer sur le thème de l'anorexie. Au premier abord, il s'agit des ressemblances, filiations et différenciations entre les restrictions alimentaires rigoureuses attestées dans la mystique affective féminine catholique depuis le 12ème siècle, donnant naissance à l'anorexie mystique, et celles qui caractérisent de nos jours l'anorexie mentale. Le recours à la psychanalyse permet d'approfondir cette problématique, dans la mesure où les interprétations proposées se trouvent constamment placées dans l'éclairage des conditions socio-historiques concrètes de chaque milieu à chaque époque. Jacques Maître suit un fil conducteur fourni par l'expression 'façons anorectiques d'être au monde', définie par le refus de tenir sa place de femme dans la transmission de la vie et par une attitude maltraitante à l'égard de ses propres besoins corporels dans la mesure où ceux-ci reflètent la dépendance du nourrisson à l'égard de sa mère. Sur ce terrain, la médicalisation actuelle de l'anorexie en tant que maladie mentale apparaît comme un retournement de la valorisation religieuse des expériences mystiques marquées par le vœu de chasteté et par un ascétisme acharné. Aujourd'hui, l'épidémie d'anorexie mentale couvre uniquement les pays industrialisés de tradition chrétienne, mais commence à pénétrer les couches les plus occidentalisées dans d'autres régions. Le critère psychiatrique de la phobie du poids se révèle plus conjoncturel que le rejet de la fécondité. Un éclairage très évocateur vient de l'histoire du mythe religieux, puis médical, de l'inédie (vie sans alimentation durant plusieurs années). Il permet de mettre à part le jeûne-spectacle qui fleurit au 19ème siècle et jusqu'aux premières décennies du 20ème Deux cas sont analysés d'une façon approfondie : Marie Guyart (décédée en 1672, en religion Marie de l'Incarnation), exemple typique d'anorexie mystique et personnage majeur dans l'histoire du catholicisme québécois ; Simone Weil (décédée en 1943), qui côtoyait avec flamme le mysticisme féminin catholique, mais qui mourut d'anorexie mentale sans avoir réussi à se convertir. [Résumé d'éditeur]
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