Résumé :
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En comparant les thèses d'intellectuels (Popper, Morin) et les initiatives d'hommes d'action (Monnet, Delors) lors de deux moments clés de la construction européenne, cet article vise à montrer 1) que la grande majorité des intellectuels ont manqué le rendez-vous de l'Europe, sous l'emprise de philosophies (Platon, Hegel, Marx) rattachant le cours des choses à des « crochets célestes » (projets divins ou déterminismes de la nature et de l'histoire) qui le rendraient prévisible ou maîtrisable, alors que l'homme ne peut s'appuyer, individuellement ou collectivement, que sur les seuls « leviers terrestres » de l'action intelligente dans un contexte spatio-temporel limité ; 2) que Popper et Morin eux-mêmes, tout en éliminant nombre de ces crochets, n'ont pu s'empêcher d'en conserver certains, notamment la foi dans le discours rationnel ou dans l'autonomie du monde des idées, alors que Monnet et Delors n'ont cru qu'aux vertus du possible et du réalisable au travers d'organisations ad hoc ; 3) que la construction de l'Europe illustre la pertinence d'une approche « néo-darwinienne » des affaires humaines (Simon), qui privilégie une démarche de conception s'appuyant sur les ressorts de la connaissance et de l'altruisme. [résumé d'éditeur]
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