Résumé :
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Problématique : Malgré un intérêt sociétal croissant et un enrichissement progressif de la description séméiologique des troubles psychiques post-traumatiques dans les mondes anglophones et francophones contemporains, le sous-diagnostic et les diagnostics tardifs, au stade des souffrances intenses, restent nombreux. En effet, les origines post-traumatiques des troubles sont le plus souvent tues, du fait même de leurs caractéristiques cliniques souvent entendues comme 'indicibles', tel que le dit la littérature. Comment parler de son trauma ? Est-ce vraiment possible ? Objectifs, matériels et méthodes : Après explicitation des données linguistiques d’intérêt concernant la production verbale normale, nous étudions les récits d’événements traumatiques produits par des personnes rescapées des attentats de Paris (attentat au Bataclan) et par des militaires souffrant de trouble de stress post-traumatique (guerre en Afghanistan) afin d’authentifier leurs dysfluences langagières (pauses non démarcatives, répétitions, énoncés incomplets) comparativement à un groupe témoin. Vers l’objectif de remédier aux ruptures discursives, nous précisons les stratégies spontanément utilisées par les patients pour franchir les difficultés de dicibilité de leur expérience traumatique (recours aux périphrases, métaphores, mots génériques). Résultats : Considérant les dysfluences, notre hypothèse est partiellement vérifiée : les récits traumatiques contiennent significativement davantage de répétitions et d’énoncés incomplets que les récits contrôles, mais aucune différence n’a été observée eu égard aux pauses silencieuses ou remplies. Concernant les stratégies adaptatives, les récits traumatiques contiennent davantage de périphrases et de métaphores, tandis que le recours à des mots génériques n’est pas plus important que dans les récits témoins. Discussion : La non-significativité des données concernant les pauses pourrait être conséquentielle à la taille de nos corpus, car une augmentation du nombre d’occurrences de chaque dysfluence étudiée se sensibilise progressivement des témoins aux personnes blessées psychiques d’attentats, puis de guerre, en suivant graduellement : énoncés incomplets, répétitions, pauses silencieuses, et enfin, pauses remplies. Cette majoration peut s’expliquer par la chronicisation des symptômes du trouble de stress aigu correspondant au corpus 'Bataclan', jusqu’à un trouble psychique post-traumatique chronique présent depuis plusieurs années, comme chez les militaires interrogés. Nous pouvons donc faire l’hypothèse d’une typologie des dysfluences en fonction du degré de chronicité du syndrome de répétition traumatique. Eu égard aux stratégies palliatives, certaines métaphores utilisées par les patients blessés psychiques restent des métaphores au sens linguistique du terme, sans nécessairement devenir des métaphores au sens psychologique de la pleine accession au second degré, à la symbolisation, à l’association de dimensions initialement dissociées par le trauma. Toutefois, dans le discours de certains patients, un gradient de métaphorisation, de l’image traumatique littérale à la construction symbolique, semble exister, comme une voie vers la guérison. La métaphorisation apparaît constituer un outil permettant de surpasser les reviviscences. Ce n’est ainsi pas tellement la thématique de la métaphore qui s’avère psychothérapiquement importante mais le processus même de sa formation. Conclusion : Du défusing au débriefing vers les soins subséquents lorsque nécessaire, les principes classiquement promus par les psychothérapies concourent à un objectif commun : la symbolisation du traumatisme. L’étude psycholinguistique apparaît ici un espace de recherche heuristique afin d’expliciter l’étiopathogénie, les formes cliniques et l’offre de soins efficiente proposée aux patients souffrant de troubles psychiques post-traumatiques. Tandis que le syndrome psycholinguistique traumatique (SPLIT) témoigne de l’atteinte du langage constitutive du trauma, inversement, c’est le langage déployé au cours de la psychothérapie qui permet de s’extraire des reviviscences. A l’heure où différentes 'écoles' s’annoncent concurrentes dans l’univers des psychothérapies (protocoles comportementaux et cognitifs, traitements par l’hypnose, thérapies par mouvements oculaires, thérapies narratives, etc.), l’analyse de la restauration du langage pourrait unifier une conception spécifique de l’apaisement des conséquences traumatiques tout en définissant des marqueurs linguistiques offrant d’évaluer l’efficacité des traitements recommandés. [résumé d'auteur]
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