Résumé :
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Ces vingt dernières années, la prédiction de la psychose chez de jeunes patients est devenue un enjeu prioritaire de la psychiatrie à l’échelle internationale fondé sur l’espoir d’une intervention à un stade précoce, dit ' état mental à risque'. Toutefois, les jeunes dont les difficultés pourraient traduire aussi bien des symptômes précurseurs d’une psychose qu’un malaise en lien avec l’adolescence, représentent des cas ordinaires pour les pédopsychiatres. Dans ces situations cliniques, comment les psychiatres envisagent-ils l’avenir de leurs patients ? Anticipent-ils la survenue de troubles mentaux ? Communiquent-ils des pronostics aux patients ou à leurs familles ? Méthodes : Des entretiens menés auprès de pédopsychiatres français ont exploré leurs pratiques pronostiques et ont été analysés selon une méthode qualitative. Résultats : Si les psychiatres ne déclarent pas spontanément faire des pronostics, ils décrivent des situations inquiétantes où leurs attentes pour l’avenir de jeunes patients les incitent à agir de manière spécifique. Ils soulignent l’impossibilité de réaliser des pronostics fiables, et la crainte de susciter des troubles mentaux ou émotionnels chez leurs jeunes patients s’ils évoquent un risque de maladie mentale (prophétie auto-réalisatrice). Ces enjeux contradictoires ne sont gérés qu’au prix d’une ambivalence à l’égard du pronostic et d’un intense engagement émotionnel au cours du suivi. Conclusion : Les pédopsychiatres envisagent voire anticipent le risque d’émergence de trouble mental grave. Toutefois, l’incertitude du pronostic en pédopsychiatrie souligne les limites floues entre symptômes atypiques et trouble mental avéré.
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