Résumé :
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Plusieurs moments ont historiquement marqué les rapports entre la phénoménologie et la psychopathologie. La phénoménologie husserlienne mit en évidence l’importance de la conscience intentionnelle : toute conscience est conscience de quelque chose. Au début du xxe siècle, une psychiatrie phénoménologique se développa à la suite des travaux de L. Binswanger, se référant aux analyses fondatrices de Husserl et de Heidegger. Centrée sur le monde du malade, une articulation se précisa entre la théorisation et l’expérience psychiatrique. La philosophie de la conscience intentionnelle ne sembla plus alors suffisante pour rendre compte des situations psychotiques où les phénomènes de dépersonnalisation et de déréalisation deviennent prépondérants. Des philosophes phénoménologues contemporains relecteurs de Binswanger, Maldiney et Richir vont intégrer la connaissance des phénomènes psychotiques à leur réflexion, jusqu’à modifier la pensée philosophique. Une orientation nouvelle en résultera avec l’hypothèse d’une phénoménologie non intentionnelle. Maldiney ouvre la philosophie à une compréhension du phénomène humain, comme traversée de la catastrophe et de la crise. Dans le prolongement de cette recherche, Richir redéfinit la philosophie à partir d’une épochè phénoménologique radicale confrontée à l’abîme de l’épochè psychotique. Par ailleurs, les bouleversements de l’affectivité et du corps sont des propriétés de la vie dont l’autoaffection est l’impression originaire ; la phénoménologie de la vie de Henry accède ainsi à l’intériorité radicale du pathos, irréductible à une conscience intentionnelle visant l’extériorité du monde. L’interdisciplinarité entre la psychiatrie, la psychopathologie et la philosophie ne peut être que féconde, au niveau théorique par le renforcement de l’exigence critique, dans la pratique clinique et thérapeutique par le recentrement sur la singularité du malade et la recherche éthique d’une plus grande autonomisation. [résumé d'auteur]
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