Résumé :
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Il y a une différence essentielle entre les opérations de la pensée vigile et la passivité du rêveur endormi, qui se borne à recevoir et à suivre le produit du penser-rêvant qui le précède et le sous-tend. Le solipsisme du rêveur, condition de son affection : compromis et affecté par ce qui arrive, le rêveur est condamné à rester témoin de ce qui se passe et advient au je rêvé. Quant au penser rêvant, anonyme quoique singulier, il demeure enclos dans son enceinte imaginaire et n’a nulle intention de communiquer. L’inconscient refoulé se situe, lui, en deçà des pensées latentes que le rêveur peut avoir eues à l’état vigile. Ce n’est pas le sujet qui pense le rêve, c’est le rêve qui pense l’être rêvant, sa vie actuelle et passée. Le rêve est en lui-même une 'formation-sujet' qui se déploie sans se connaître en tant que telle, se saisissant de l’être endormi sur un mode épisodique à travers un flux d’images-événements. Rêveur et rêve procèdent d’un même penser rêvant qui donne une consistance fugace au réel de l’être endormi. Trois modifications corrélées des problématiques traditionnelles en découlent : du rêve lui-même, devenu 'sujet' ; de la pensée ; de son corrélat, l’être rêvant en tant qu’individu. Le rêve invente de l’événement, c’est sa manière de nous penser. Quelques exemples témoignent de la dynamique conflictuelle du travail de rêve, qui met aux prises des aspects hétérogènes du 'tissu de pensées' (Freud) issues de diverses régions de l’être endormi. Ce sont là des matrices d’événements susceptibles de capter – sans les unifier – les stimulations internes assaillant le dormeur. Ces matrices sont en fait des formants du penser entre lesquels se manifestent une disparité et des oppositions. Le rêve nous pense pour autant qu’il est seul apte à faire confluer des courants issus de lieux psychiques hétérogènes, qu’aucune pensée de veille n’a précédemment rassemblés chez un même individu. La vie pulsionnelle à l’oeuvre dans le rêve est faite de mixtes mêlant mouvements libidinaux et impulsions mortifères, qui appellent l’invention du penser solitaire exposé au refoulé. Cela conduit à montrer l’irréductibilité de ce mode de penser et son implication effective dans le travail de rêve qu’il suscite au cours de sa rapide progression.[Résumé d'éditeur]
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