Résumé :
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Quelle est l'histoire des savoirs sur les psychoses débutantes, c'est-à-dire sur les premières manifestations de troubles mentaux graves chez l'adolescent et le jeune adulte ? Plutôt que de retracer une histoire sémantique des concepts ou de dresser le portrait d'héroïques carrières médicales, cette recherche se focalise sur la circulation des savoirs, et plus précisément sur le contexte de réception des travaux allemands en France. Après avoir rappelé un ensemble d'enseignements cliniques et de textes fondamentaux, deux exemples sont développés à partir d'un corpus constitué d'une dizaine de revues françaises entre 1945 et 2000. D'abord, l'analyse des comptes rendus publiés dans ce corpus restitue les différentes lectures qui ont été faites de la monographie de Klaus Conrad (Die beginnende Schizophrenie, 1958). Ensuite, le relevé des comptes rendus parus dans les Annales Médico-psychologiques atteste un intérêt certain en France pour l'étude des débuts de la schizophrénie entre 1945 et 1989. Pourtant, le dépouillement de la littérature conduit à établir un double constat : d'une part les comptes rendus de publications étrangères sont de plus en plus espacés à partir des années 1970, d'autre part la production scientifique allemande sur ce sujet a connu un impact quasiment nul en France, malgré l'existence d'intermédiaires, comme Peter Berner. A la faiblesse des échanges après-guerre dans ce domaine de recherche succède une période de redécouverte des travaux des universités allemandes dans les années 1990-2000 : Gisela Gross, Heinz Häfner, Gerd Huber, Joachim Klosterkötter, Lilo Süllwold, etc. Cette discontinuité révèle une participation accrue des enseignants-chercheurs français à un espace de communication transnational de langue anglaise. Mais un réexamen du nouveau contexte de réception ramène aussi la production de savoirs à des logiques locales plutôt qu'à une intensification des échanges entre deux espaces nationaux. [résumé d'auteur]
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