Résumé :
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Parler de la mort, même avec le langage des sciences sociales, c'est en effet dire le plus intime des sociétés, et aussi, sans toujours le vouloir ni le savoir, avouer beaucoup de soi. Plus pudiques que d'autres, en tous cas protégés par l'épaisseur du temps ou la distance des lieux, ceux qui s'efforcent de mieux comprendre comment les hommes ont dit et vécu, disent et vivent la mort, ne confient pas volontiers leurs pensées propres, leurs espoirs ou leurs désespérances. Et pourtant dans les textes que l'on va lire passe autre chose qu'un savoir. Par delà l'objectivité des descriptions de l'avant et de l'ailleurs, ils indiquent qu'il y a eu d'autres façons d'affronter la mort que la nôtre, et que ces façons là ont à nous apprendre. C'est pourquoi sont ici rassemblés des textes apparemment dissemblables. Les uns s'essayent à porter un diagnostic sur le présent, à démêler l'écheveau embrouillé des attitudes et des discours contemporains qui, à la fois, escamotent et disent la mort, le présentent et la refusent, ou tentent d'inventer des manières inédites de l'apprivoiser. D'autres portent un projet différent : il s'agit d'enrichir notre connaissance de la très longue histoire des rapports entre les hommes et la mort, et pour ce, de centrer l'attention sur une séquence de cette longue durée, sur un système de croyances et de rites, sur une œuvre ou un ensemble d'œuvres. Dire la mort aujourd'hui est sans doute tenir ces deux langages : l'un qui s'efforce de repérer et de comprendre les attitudes de maintenant, telles qu'elles sont ou telles qu'on voudrait qu'elles soient, l'autre rend la mort présente, non en parlant de la nôtre, mais en situant les pensées qu'elle a suscitées, ou les gestes qui l'ont accompagnée au cœur même de l'étude des sociétés dont notre temps est héritier. Parce qu'elle est destin commun et épreuve partagée, la mort ne se laisse pas saisir par les mots des vifs, pas plus ceux des philosophes, des théologiens et des médecins que ceux des ethnologues ou des historiens. Pourtant dire comment elle a été vécue, hier et jadis, comment elle prend une figure inédite sous une plume inspirée, comment la société d'aujourd'hui entend nous la faire accepter n'est pas dérisoire mais peut aider chacun à la penser, au plus intime de lui-même. [Résumé : Roger Chartier]
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