Résumé :
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Depuis Aristote, génie, créativité et trouble mental sont intimement associés. Aussi la littérature scientifique fournit-elle un ensemble d'études de méthodologie variable qui ont tendance à conforter cette opinion selon laquelle la création, notamment artistique, serait l'émanation d'un trouble mental. Les études les plus récentes apportent des arguments en faveur de l'existence d'une association privilégiée entre les formes atténuées de trouble bipolaire et le génie créatif. Ce constat, s'il permet de générer des hypothèses concernant les processus de créativité, n'est pas sans susciter de nombreuses questions. D'abord, il faut tempérer notre enthousiasme pour constater que les formes les plus sévères des affections psychiatriques sont incompatibles avec la créativité. Sur un plan compréhensif, il semble que l'instabilité affective contribue et favorise l'émergence de ces processus. Plusieurs facteurs de personnalité, dont le tempérament cyclothymique, semblent associés à la créativité, via les instances cognitives et émotionnelles qui le sous-tendent. L'observation récurrente d'une prévalence élevée de troubles de l'humeur chez les sujets créatifs et d'une composante génétique tant pour ces troubles que pour la créativité suggère que dans une perspective évolutionniste le trouble bipolaire, s'il est pourvoyeur d'une grande souffrance pour les individus, est aussi nécessaire à la société. Cela n'est pas sans poser question dans le domaine du conseil génétique. Enfin, dans notre pratique médicale avec les patients bipolaires, il nous faut rechercher des attitudes thérapeutiques qui soient compatibles avec le maintien de la créativité.[résumé d'auteur]
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