Résumé :
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Dans tous les domaines de la médecine, on observe que les médecins, souvent, ne suivent pas les recommandations en vigueur. L’ampleur de ce fossé entre les recommandations et la réalité clinique, décrit en 2001 par Phillips sous le nom d’inertie clinique, peut être vue comme un échec de la médecine fondée sur les faits (Evidence Based Medicine), élaborée pour faire en sorte que la plupart des patients bénéficient des meilleurs soins, définis sur la base des meilleures données disponibles de la science. Il semble donc exister une contradiction entre deux logiques. La première est celle de la médecine fondée sur les faits, dont le corpus est constitué de données récoltées dans des essais conçus pour éliminer autant que possible les biais liés à la variabilité intrinsèque de tout phénomène vivant : les essais contrôlés randomisés (Randomized Controlled Trials), réalisés sur des cohortes de patients, ont ainsi acquis une place dominante dans le 'rationnel' qui conduit à la formulation de recommandations. Face à ce rationnel, il faut considérer une deuxième rationalité, celle représentée par la logique du médecin, qui doit prendre une décision appropriée au cas singulier qu’il a en face de lui. Il applique non seulement ce qu’il sait des recommandations en vigueur, mais aussi, comme le recommandent les principes de la médecine fondée sur les faits, son évaluation du contexte particulier de ce patient. Il existe en fait une deuxième différence entre la logique de la médecine fondée sur les faits et celle du médecin : la première repose sur une méthodologie visant à éliminer les biais. La seconde comporte inévitablement des biais liés au mode de raisonnement humain, qui d’une part a une composante émotionnelle et d’autre part a recours à des heuristiques, ces raccourcis mentaux qui nous permettent de raisonner rapidement dans un contexte d’incertitude, au risque de nous induire en erreur. Il apparaît ainsi que l’existence du phénomène d’inertie clinique impose une réévaluation critique du facteur humain dans la décision médicale, face au nouveau paradigme de l’Evidence Based Medicine. [résumé d'auteur]
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