Résumé :
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La notion de paranoïa est presque synonyme d'un certain style ' interprétatif ', qu'il soit caractériel ou franchement délirant. Cette intellectualisation, qui ressort beaucoup de la matrice psychopathologique ayant donné naissance à la paranoïa, en a limité la compréhension, notamment sous deux aspects: d'un côté dans la distinction entre un délire ' en secteur ' mais confisquant toute l'existence du patient et un délire ' en réseau ' demeurant compatible avec une certaine insertion sociale ; et, de l'autre, dans la marginalisation de l'hypocondrie fréquente dans ces malades à contenu éventuel de revendication ou à ' névrose ' remplaçant parfois pour un temps leur attitude passionnelle ou délirante. La notion phénoménologique de ' corps opaque ' permet de donner une certaine réponse à ces questions en montrant le rôle central du corps dans la paranoïa d'un côté comme limite constitutive de la ' vérité ' que le paranoïaque recherche et, de l'autre, comme émetteur des signaux mimicogestuels et verbaux par lesquels il essaie de contourner une telle limite. D'autre part l'hypocondrie sort de son rôle marginal pour devenir une des déclinaisons possibles du corps dans la paranoïa et se présenter non comme une maladie ' autre ' qui parfois la remplace mais la continuation de celle-ci à rôles renversés, le patient y figurant alors comme persécuteur et le médecin étant dans l'espèce son persécuté. L'on pourrait alors appeler paranoïa toute situation interprétative pathologique caractérisée par la persistance du ' corps opaque ' et en exclure les situations de ce genre où le corps est devenu transparent à l'intuition du patient comme il l'est à l'hallucination du paranoïde.[résumé d'auteur]
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